Pierre Mamboundou : ‘’Conjurer la fraude’’
Le chef de file de l’opposition ”radicale” gabonaise Pierre Mamboundou explique les raisons pour lesquelles il affronte Omar Bongo Ondimba le 27 novembre.
Afriquecentrale.info : Vous venez d’annoncer votre candidature à l’élection présidentielle du 27 novembre prochain. Pensez-vous avoir des chances de l’emporter alors même que vous dénoncez à l’avance les fraudes organisées par le pouvoir. Pierre Mamboundou : J´ai effectivement annoncé le 9 octobre 2005 ma candidature à la présidence de la République après avoir fait la démonstration que le Président candidat et sa majorité s´étaient confortablement préparés pour frauder. Ma démarche procède de la conjuration de la fraude et ma candidature attendue par tous les gabonais est de nature à neutraliser toute la fraude qui a été organisée. je suis par ailleurs en mesure de vous dire qu´une batterie de matériels informatiques prépositionnée à la présidence de la République au 2e étage constitue en plus des listes électorales bourrées, le principal de la fraude. Cette fraude désormais mise à nue ne prospérera plus, contrariée qu´elle sera surabondamment par le dispositif que nous envisageons mettre en place. Après quarante ans de gestion sans partage de l´Etat avec les conséquences catastrophiques que n´on sait, vu l´usure du pouvoir, le développement de la précarité, du chômage et de la pauvreté, les gabonais ne veulent plus d´Omar BONGO ONDIMBA comme Président. Cette situation est confortée par tous les sondages d´opinions qui sont effectués sans discontinuer depuis le début de l´année 2005, sondages qui mettent le Président de l´Union du Peuple Gabonais (UPG) en tête et Omar Bongo Ondimba en troisième position. Après avoir dénoncé la fraude, circonscrit les lieux et les pratiques de fraude, je reste convaincu que la victoire est au bout de la présente élection. Afriquecentrale.info : Vous ne serez pas le seul opposant à affronter le président gabonais. D’autres candidats seront face à lui dont Zacharie Myboto. Que vous inspire cette candidature ? Pierre Mamboundou : Le combat pour l´alternance reste un combat longue halène surtout face à un régime qui a quarante ans de vie. Dans ce cadre, le renforcement du combat est le bienvenu ; l´arrivée de Monsieur Myboto comme opposant est une excellente chose pour l´opposition qui a besoin de consolider ses rangs. Ceci étant, il ne nous appartient pas d´avoir une suspicion a priori sur les intentions de Monsieur Myboto a fortiori de faire a docimasie. Il s´agira pour lui de montrer au peuple gabonais sa détermination et son encrage dans l´opposition. Si vous êtes élu le 27 novembre, quel programme appliquerez-vous ? Pierre Mamboundou : Pour vous en livrer une brève synthèse, sept secteurs d´intervention requièrent urgence, pour qui veut construire le Gabon. Il s´agit : - des institutions et des organes de la République, - de la politique économique, - de la politique sociale, - de la culture, des arts et des sports, - de l´environnement, - de la défense et de la sécurité, - de la politique extérieure. Au plan institutionnel, la modernisation de l´Etat et son ancrage dans les principes démocratiques, doivent accompagner et faciliter un fonctionnement autour des principes de la séparation des pouvoirs. Avec une préférence pour le régime semi-présidentiel, l´exécutif doit être marqué du sceau d´un bicéphalisme distinguant d´un côté le Président de la République, clé de voûte des institutions, particulièrement chargé d´assurer le fonctionnement régfulier des pouvoirs publics et de garantir l´indépendance nationale, l´intégrité du territoire, le respect des accords et des traités, et de l´autre côté un gouvernement disposant de l´administration, chargé de déterminer et de conduire la politique de la nation, et chargé de déterminer et de conduire la politique de la nation, et par ce fait, appelé à répondre devant le parlement. Le pouvoir législatif, qui est chargé de représenter la nation, paraît à notre sens, capable de mener cette mission dans le cadre d´une chambre unique, en l´occurrence l´assemblée nationale. Le pouvoir judiciaire, indépendant par principe, dont les expériences entreprises ont plutôt révélé de graves insuffisances, nous inspire une réforme conduisant à un recentrage autour de la Cour Suprême, le premier des juges devant faire l´objet d´une élection par ses pairs. Au rang des institutions constitutionnelles, une innovation nous paraît utile à amorcer, il s´agit du Conseil Administratif et financier, qui peut être chargé d´évaluer l´efficacité des procédures administratives et d´en proposer les améliorations. Plus significative est son action de contrôle de l´action administrative et financière de l´Etat, à ce jour dévolu à un département ministériel, dont l´autorité est particulièrement limitée par l´effet conjugué de la subordination administrative, et de la solidarité gouvernementale. S´agissant de notre politique économique, l´assainissement des finances publiques appelle une maîtrise des dépenses qui passera par la réduction du train de vie de l´Etat, mais aussi réduction de la taille du Gouvernement, avec une orientation pour équipe forte de 17 + 1 membres. en outre, le respect des seules dépenses inscrites au budget, ainsi que le raccourcissement des délais de paiement peuvent valablement, entre autres mesures, compléter cette rubrique. La relance de notre économique s´effectuera par l´investissement et par la consommation. dans ce dispositif, la route tiendra une place de choix, afin que les citoyens de notre pays cessent d´être des étrangers les uns vis-à-vis des autres. En reliant les capitales provinciales les unes avec les autres, et en reliant les bretelles de raccordement à la transafricaine, il sera posé les véritables instruments de la libre circulation des personnes et des biens, que les simples incantations proférées ici et là, n´ont pu réaliser pendant les quarante dernières années. Notre politique sociale est conçue pour être résolument tournée dans le sens de répondre aux demandes des Gabonais. A ce propos, les secteurs de la santé, qui doit être garantie pour tous, celui de l´éducation et de la formation, qui doivent s´appuyer sur la recherche, constitueront des piliers forts sur lesquels les schémas de développement vont être pensés. Qui parle de social, parle d´habitat, de transport, afin de sécuriser le développement, et créer des débouchées à notre secteur agricole jusque-là confiné à l´enfermement. La personnalité d´un pays, son identité et son référentiel résident dans sa cultures. Il est de ce fait impérieux de pérenniser les repères culturels, à travers les langues, les arts plastiques ou culinaires, de sorte à transmettre aux générations futures les vecteurs de notre patrimoine. Dans ce contexte, le sport, qui est pourvoyeur des valeurs, est aujourd´hui le réceptacle de la considération nationale. un effort soutenu va être apporté afin de promouvoir, à partir du sport de masse, l´éclosion d´une élite” porteuse de la vitalité du pays. L´environnement est aujourd´hui au centre de toutes les préoccupations de la planète. Le réchauffement de la terre, du fait des gaz à effets de serres, les produits radioactifs et les déches toxiques, dont l´Afrique devient le dépotoir désigné, nous interpellent au plus haut point. Sous l´éclairage des normes internationales et avec l´appui des partenaires divers, nous entendons lutter pour la protection du territoire gabonais. La sécurité des personnes et des biens, mais aussi la défense du territoire se trouvent au centre de notre programme. La délicatesse de ces secteurs, nous invitent à beaucoup de circonspection. Toutefois, il peut être annoncé qu´un effort particulier va être consenti, à partir d´une loi de programmation, afin de permettre une meilleure gestion de nos forces, améliorer leurs performances, et surtout leur permettre de s´associer, en temps de paix, à la construction de la nation. La politique extérieure du Gabon du Gabon doit être organisée dans le sens de promouvoir les relations de coopération, d´échanges économiques, commerciaux, scientifiques et culturels avec tous les pays épris de paix et de justice, sur la base du respect de la souveraineté de chacun. De ce fait, l´ONU, l´UA, la CEMAC, la CEEAC, le CICIBA, nous paraissent constituer les cadres idoines, à partir et au sein desquels, notre diplomatie doit se déployer pour faire entendre la voix du Gabon dans le concerty des Nations. Afriquecentrale.info : On accuse souvent la France de soutenir le président Bongo Ondimba et de tout faire pour favoriser sa réélection. Quel est votre sentiment ? Pierre Mamboundou : Pays membre fondateur de l´Europe, la France est en relation avec le Gabon depuis le 18e siècle. Cette relation séculaire, sa qualité de premier client et de premier fournisseur fait d´ele un partenaire privilégié. L´usage en commun de la langue française, l´appartenance à la zone franc renforcent nos liens culturels, économiques, monétaires et financiers. Ces liens entre l´Etat français et l´Etat gabonais ne peuvent et ne doivent souffrir de considérations réductrices contenues dans votre question. Les relations d´Etat à Etat que je sache sont codifiées et organisées par des accords dont l´évolution est régulièrement évaluée dans un cadre clairement défini. La France berceau de la révolution française, créatrice du réflexe des droits de l´homme est au contraire soucieuse du libre choix des gabonais. Elle ne peut donc pas soutenir un homme qui est aujourd´hui exécré par le peuple gabonais qui aspire ici et maintenant au changement de régime pour des lendemains meilleurs. Propos recueillis par François Bocca Mamboundou : le chef de l’opposition ”pure et dure” Né le 6 novembre 1946 à Mouila (sud du pays), Pierre Mamboundou a effectué des études supérieures en France, à Perpignan et à Toulouse, où il a obtenu un diplôme d´ingénieur en télécommunications. A son retour au Gabon en 1978, il intègre l´Office gabonais des postes et télécommunications (OPT), puis l´Agence de coopération culturelle et technique (ACTT), dont il devient directeur des relations extérieures de 1985 à 1989. Proche des milieux de l´opposition en exil, M. Mamboundou crée en 1989 l´UPG mais, accusé par le régime d´avoir fomenté un complot contre le président Bongo, il est contraint à s´exiler un an plus tard au Sénégal, où il restera pendant trois ans, condamné par contumace à dix ans de prison pour ”atteinte à la sûreté de l´Etat”. De retour au pays juste avant la victoire de M. Bongo lors du scrutin présidentiel de 1993, il est élu trois ans plus tard député et maire de Ndendé (sud). Lors de la présidentielle suivante en 1998, il s´impose comme le chef de file des adversaires radicaux du régime, candidat d´union de plusieurs partis regroupés au sein d´un Haut-Conseil de la résistance (HCR). Crédité officiellement de 16,5% des suffrages contre 66,8% au sortant, réélu dès le premier tour, le maire de Ndendé dénonce des résultats truqués mais ses appels à manifester ne sont pas suivis. Trois ans plus tard, il ne se présente pas aux législatives et appelle à boycotter le scrutin, dont il critique les conditions ”frauduleuses” de préparation. Depuis que l´opposant historique au régime Paul Mba Abessole a rejoint le camp présidentiel en 2002, Pierre Mamboundou incarne, depuis son fief de Ndendé dont il ne s´éloigne que rarement, l´opposition ”pure et dure” à M. Bongo, qu´il se targue de n´avoir jamais rencontré.
Fuente: Africentrale.info